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Entreprise Économie

La première entreprise de France secouée par la crise

Gérard Gomez, Président de la CMA 64. © Yannick Revel

Gérard Gomez, Président de la CMA 64. © Yannick Revel

Confiné à son domicile, Gérard Gomez enchaîne les visioconférences. Entre deux réunions de travail à distance, le Président de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat des Pyrénées-Atlantiques (CMA 64) répond à nos questions. Un regard indispensable car l’artisanat, la première entreprise de France, subit cette crise économique de plein fouet.

La CMA 64 est fermée au public, pour autant elle n’est pas inactive. Quel est son rôle actuellement ?

Gérard Gomez : En effet, elle est plutôt très active même. L’ensemble de son personnel (environ 140 personnes) est en télétravail et je tiens à noter la faculté d’adaptation dont ils font preuve. Agents et professeurs ont su s’adapter à la situation et à cette nouvelle forme de travail. La vie continue et nous assurons toujours le service aux entreprises en matière de formalités ou de documentation. Par ailleurs, le Centre de Formation des Apprentis a dû s’adapter. À distance, nous assurons la continuité pédagogique des apprentis. Enfin, nous avons immédiatement mis en place une cellule de soutien aux artisans avec un numéro de téléphone et une adresse e-mail dédiés.

Comment fonctionne cette cellule de crise ?

G.G. : Nous répondons à beaucoup de questions et avons enregistré environ 3 200 contacts des entreprises. Depuis la semaine dernière nous appelons également les entreprises car certaines d’entre elles n’osent pas nous contacter. Nous prenons donc les devants pour savoir comment elles vont et ce dont elles pourraient avoir besoin. Pour renforcer ce soutien, nous souhaitons également mettre en place un accompagnement psychologique des artisans. En effet, nous nous sommes aperçus que l’essentiel des contacts de notre cellule de crise sont effectués par téléphone et non pas par mail. On réfléchit à voir comment soutenir au mieux les chefs d’entreprise psychologiquement car aujourd’hui les questions ne sont plus les mêmes qu’au début de la crise. Certains se demandent tout simplement comment ils vont passer le mois.

Comment les élèves en apprentissage vont-ils passer leur diplôme en cette fin d’année ?

G.G. : À ce titre nous n’avons pas toutes les réponses. Pour ce qui concerne les diplômes de l’éducation nationale, les diplômes seront attribués sur contrôle continu. En revanche, il réside un flou sur ce qu’on appelle les diplômes Métier, liés à une branche professionnelle. Pour ceux-là nous n’avons pas encore de réponse. Plus globalement, nous sommes inquiets au sujet de l’apprentissage et ce, à double titre. Nous étions sur une bonne dynamique et nous avons peur, qu’avec le ralentissement de l’économie annoncée, cette dynamique soit brisée dans son élan. Nous ne savons pas comment les patrons vont réagir et c’est vraiment notre crainte. Ensuite, il est difficile d’intéresser les jeunes aux métiers de l’artisanat dans ce contexte. Nos journées portes ouvertes ainsi que les salons sont annulés. De plus, il n’y a pas de conseil en orientation d’ici la fin de l’année pour les élèves. Face à cette situation, nous travaillons avec la région Nouvelle-Aquitaine pour trouver une solution, peut-être avec la mise en place d’un salon dématérialisé.

L’artisanat est-il au point mort dans le 64 ?

G.G. : Pas complètement. Nous avons des situations disparates selon les secteurs d’activité. Les entreprises les moins fragilisées sont celles de l’alimentaire. Certaines arrivent à travailler plus ou moins même si elles perdent une partie de leur chiffre d’affaires (les boulangers pâtissiers enregistrent une baisse de 30 %, les chocolatiers ont raté Pâques…). Mais au moins, elles assurent le service minimum en s’adaptant avec des horaires réduits et du chômage partiel. Dans le bâtiment c’est également compliqué car les directives gouvernementales ont parfois été contradictoires. Beaucoup continuent d’assurer le minimum et les urgences mais ils doivent quand même compter avec les difficultés supplémentaires en matière d’approvisionnement. Enfin il y a les services, c’est la catégorie ou la catastrophe économique est la plus menaçante. Je ne suis pas sûr que toutes les entreprises s’en relèvent. Je pense notamment aux coiffeurs, aux salons d’esthétique, aux fleuristes, aux photographes… ce qui représente un vivier important d'entreprises artisanales. Et parmi ces activités, je ne peux m’empêcher de penser aux taxis (la profession de Gérard Gomez, NDLR) qui, même s’ils sont autorisés à exercer, n’ont aucune activité en ce moment.

D’après vous le plan de soutien de l’État suffira-t-il ?

G.G. : C’est difficile à dire, bon nombre de mesures sont adaptées pour répondre aux besoins actuels ; chômage partiel, fonds de solidarité, report des charges fiscales et sociales… Mais qu’en sera-t-il sur la durée ? Il ne faudra pas dire, une fois le confinement terminé, que tout repartira comme avant. Il faut prévoir un plan d’accompagnement de la reprise pour que les mesures mises en place ne soient pas abandonnées. Cela ne doit pas être aussi brutal que l’arrivée de la crise.

Craignez-vous de la casse dans l’artisanat des Pyrénées-Atlantiques ?

G.G. : Il y en aura c’est certain. Nous avions un fort taux de création d’entreprises dans le département ces dernières années. Par conséquent, il y a beaucoup de petites structures nouvellement créées. Celles-ci arrivent à un moment critique et toutes ne tiendront pas le choc. Ensuite il y a celles qui ont déjà été durement mises à l’épreuve par les épisodes des gilets jaunes en 2019 ou encore les mouvements sociaux de janvier 2020 et qui sont par conséquent également fragilisées. Quand on attrape une maladie et qu’on n’est pas déjà en très bonne santé, c’est forcément plus dur de survivre. Puis il y a celles qui vont réussir à s’adapter, à passer cette période inédite. Pour les aider, on ne peut qu’encourager les consommateurs à aller trouver ces acteurs de proximité.