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Vie quotidienne

Confinement : quel impact sur la santé mentale ?

Après deux mois de confinement, il n'est pas toujours évident de quitter sa bulle familiale

Après deux mois de confinement, il n'est pas toujours évident de quitter sa bulle familiale

Si le confinement a permis de limiter la propagation du coronavirus, il a eu, chez certaines personnes, un impact sur leur santé mentale. La psychologue Estelle Beauvais, établie à Bayonne, a été sollicitée par la Ville lors de la mise en place de la cellule d'aide psychologique pour ses administrés, dès le début de la crise sanitaire liée au Covid-19.

Pour la psychologue Estelle Beauvais, cette période d’enfermement est une expérience exceptionnelle et n’est pas sans conséquence chez certains patients. Elle a accepté d’aborder les difficultés qu’a pu entraîner cette parenthèse et qui peuvent se poursuivre avec le déconfinement.

Avez-vous reçu des patients qui souffraient du confinement ?

Estelle Beauvais : J’ai été contactée par la Ville de Bayonne pour prendre en charge les personnes qui appelaient la cellule d’aide psychologique. J’ai reçu en téléconsultation de nombreuses personnes qui souffraient du confinement. La majeure partie des personnes, âgées entre 60 et plus de 80 ans a souffert de l’isolement. Le fait d’être coupé de leurs amis, de leur famille les a mis dans un état de déprime. Et ce qui a été très difficile pour beaucoup, c’est le fait de ne plus voir leurs petits-enfants. Plusieurs facteurs peuvent changer la façon dont nous réagissons à cette situation. En fait, face à cet environnement inhabituel, l’esprit rumine, le corps somatise et peut réagir au stress par différents maux, comme des troubles du sommeil par exemple. Pour certains patients, cet isolement les a plongés véritablement dans la peur et l’angoisse, mais en général, il s’agit de personnes qui ont déjà vécu des situations d’isolement. Cette période leur a fait resurgir des souvenirs.

Et pour les couples ?

E.B. : Le confinement a été aussi difficile pour les couples et a provoqué quelques dégâts. Cette situation a fait bouger pas mal de choses sur le plan émotionnel. En général, le mal-être dans le couple était déjà présent, il y avait déjà une remise en question, mais souvent la vie quotidienne permet de repousser les décisions, on met un mouchoir sur les problèmes et on attend que ça passe. Mais, avec le confinement, en étant enfermé 24 heures sur 24 avec son conjoint, forcément, nous sommes confrontés à la réalité. On ne peut plus remettre la décision à plus tard. Le confinement a provoqué des séparations.

Et pour les enfants ?

E.B. : Les enfants s’adaptent très vite aux nouvelles situations. Je n’ai pas eu beaucoup de retour avec des enfants. Une maman m’a contactée pour sa fille de 9 ans qui a des troubles du sommeil. Et une autre rencontre des difficultés avec son fils de 4 ans qui fait énormément de colères.

Et chez les salariés ?

E.B. : Le confinement a changé certaines perceptions du travail. Beaucoup ont pratiqué le télétravail ce qui demande une autodiscipline. Il est important de se mettre un cadre lorsqu’on travaille chez soi. Ce mode de fonctionnement a été plus ou moins apprécié. Certains ont apprécié de ne pas faire 2 heures de trajet par jour pour se rendre sur leur lieu de travail, d’autres préfèrent ne pas être dans l’environnement familial pour travailler. Ceux qui n’ont plus eu du tout d’activité l’ont en général mal vécu. Ils se sont sentis inutiles, et ce sentiment a pu accentuer leur déprime. Dans l’ensemble les gens ont envie de retravailler, et je ne ressens pas chez eux une quelconque appréhension.

Est-ce que le déconfinement effraie ?

E.B. : Les gens attendaient le 11 mai avec impatience. Ils étaient pressés que ça se termine. Mais curieusement, lorsque la date du déconfinement est arrivée, ils ne se sont pas rués dehors. C’est assez ambivalent. Nous avons envie de sortir mais en même temps nous appréhendons. Aujourd’hui le monde a changé et ressortir demande une réadaptation puisqu’il y a de nouveaux protocoles à respecter, et ces nouveaux rituels peuvent effrayer. Malgré tout, les gens ont peur car un risque de contamination existe. Finalement durant deux mois, il se sont créés une bulle à la maison et se sentent plus en sécurité. Il faut réapprendre à sortir à l’extérieur.

Comment peut-on réapprendre à vivre dans ce nouveau monde ?

E.B. : Il faut aller à l’extérieur pour se mettre en danger. Avec mes patients qui ont des difficultés à mettre un pied à l’extérieur, je leur propose une petite préparation mentale. Ensemble, on fixe des petits objectifs, comme aller chercher le pain par exemple. En premier lieu, il faut bien se répéter les trois gestes barrière ; le gel, le masque, les distances. Puis,il faut se mettre en situation de manière progressive. Et plus nous sortons, plus nous nous sentons en confiance. Au fur et à mesure, nous allons vivre avec de nouvelles habitudes, qui vont finir par rentrer dans les moeurs. La vie va être différente mais l’homme finit toujours par s’adapter.

Pensez-vous que le retour à la collectivité pour les enfants, avec toutes ces nouvelles mesures mises en place, va être difficile ?

E.B. : Je m’occupe des enfants qui sont en crèche et je suis retournée les voir. Les petits ne sont pas du tout inquiets de nous voir avec les masques, ils nous reconnaissent. Ils sont très contents de se retrouver à la crèche, sont joyeux et gardent une belle dynamique. Les enfants s’adaptent à une vitesse incroyable.

Estelle Beauvais, psychologue à Bayonne.