Mairie de BAYONNE, un bâtiment, deux cœurs battants
À Bayonne, l’Hôtel de Ville ne se contente pas d’être le centre du pouvoir municipal. Il est également un théâtre emblématique, témoin des grands moments de la vie culturelle et politique de la Cité. Retour sur l’histoire singulière d’un édifice bicéphale, aussi majestueux qu’atypique.
En 1720, un premier théâtre de 500 places occupait l’emplacement actuel de l’Hôtel de Ville de Bayonne. Il est rapidement décidé la construction d’un édifice plus ambitieux. Pour ce projet novateur, il est fait appel à Nicolas Vionnois. Son plan, adopté par le Conseil municipal, est audacieux : trois fonctions réunies dans un seul édifice monumental ; l’Hôtel de Ville, les douanes et un théâtre.
Les travaux commencent en 1837, au bord de l’Adour, sur l’actuelle Place de la Liberté. Cinq ans plus tard, le 15 janvier 1842, les Bayonnais découvrent leur nouveau théâtre inauguré avec La Juive, un opéra alors très en vogue. L’ensemble architectural, dans un style néoclassique affirmé, impressionne par sa magnificence.
Un théâtre prestigieux au cœur de la cité
Dès ses premières années, le théâtre devient un haut lieu de la vie culturelle régionale. Il attire les troupes itinérantes, les musiciens renommés, les comédiens de la Comédie-Française en tournée. En 1844, c’est Franz Liszt en personne qui s’y produit lors de deux concerts mémorables. Bayonne vibre alors au rythme des grandes œuvres lyriques et des récitals de piano romantique.
En 1910, la salle vit l’un de ses instants les plus marquants avec la millième représentation de L’Aiglon, chef-d’œuvre d’Edmond Rostand, incarné ce soir-là par une Sarah Bernhardt au sommet de sa gloire. Le théâtre de Bayonne, malgré sa relative modestie, se forge une solide réputation. Et au-delà du faste, il conserve un rôle populaire. Pièces de boulevard, opéras-comiques, bals, projections… le théâtre appartient à tous. Il devient également, plus tard, un lieu de cinéma, avant que ne fleurissent les salles modernes.
Le drame de 1889
Dans la nuit du 31 décembre 1889, un drame frappe l’Hôtel de Ville. Un incendie se déclare au dernier étage. Les flammes dévorent les bureaux municipaux et les archives historiques de la ville. Le théâtre est atteint, mais les dégâts y sont plus limités.
La reconstruction est lancée sans tarder. Le théâtre rouvre ses portes dès le 16 janvier 1890 avec une représentation de La Traviata de Verdi. Les travaux dureront jusqu’en 1891 et la Mairie s’installe dans l’aile occupée par les douanes, qui sont alors déplacées au 6, rue Albert 1er. L’occasion est saisie pour embellir la façade avec six statues en fonte, représentant, de gauche à droite, la Navigation, l’Industrie, l’Art, le Commerce, l’Astronomie et l’Agriculture.
Des modernisations discutées
Comme de nombreux théâtres anciens, celui de Bayonne connaît des phases de modernisation parfois discutables. Dans les années 1960, une rénovation lourde transforme la salle : les loges sont supprimées, le style à l’italienne est en grande partie effacé au profit d’un agencement plus fonctionnel, adapté à une programmation mixte théâtre-cinéma. Si ces choix permettent d’augmenter la capacité et de moderniser les équipements, ils font perdre une part de l’élégance d’origine.
À la fin du siècle, une prise de conscience patrimoniale naît. Les élus et les architectes s’accordent sur la nécessité de restaurer l’esprit du théâtre tel qu’il avait été pensé au XIXe siècle. Entre 2004 et 2006, un grand chantier de rénovation lui redonne son âme d’antan : stucs décoratifs, dorures, fauteuils rouges et ambiance feutrée retrouvent leur place dans une salle désormais réduite à 592 places, et plus fidèle à son identité originelle.
Un patrimoine vivant
Plus qu’un bâtiment, l’Hôtel de Ville et le Théâtre Michel-Portal sont une synthèse de ce que Bayonne a toujours su incarner : une ville fière de son passé, ouverte à la culture, et attentive à ce qui relie les citoyens. Entre pierre et passion, archives et acclamations, pouvoir et poésie, le lieu raconte deux siècles d’une histoire commune. La sienne. La nôtre.