L'HIVER dans la culture BASQUE
Au Pays Basque, l’hiver n’a pas de divinité, d’esprit du froid ou de gardien du solstice. Alors que de nombreuses cultures sacralisent le retour de la lumière, la mythologie basque, elle, demeure étonnamment hors-saison. Et pourtant, les nuits froides de décembre à février sont celles où la tradition orale renaît, autour du feu. Entre contes de loups, sorcières, géants, fêtes de fin d’année et premiers carnavals, l’hiver basque est moins un temps de dieux qu’un temps de récits et de rites, profondément humains.
Olentzero, ce charbonnier qui descend de la montagne pour annoncer le retour du jour et de la lumière lors du solstice d’hiver apparaît comme la seule figure de la culture basque associée à la période des fêtes de fin d’année. Pour le reste, l’hiver demeure étonnamment silencieux et discret dans la mythologie basque. Alors que la plupart des folklores européens font du solstice, un moment majeur, et du froid, un élément narratif significatif qui va parfois jusqu’à être personnifié, les récits légendaires et les mythes basques, eux, se déroulent dans une temporalité tout autre. Pourquoi cette singularité ?
Une mythologie et un folklore hors-saison
La culture basque fait figure de rareté voire d’anomalie dans le paysage culturel européen. Si on évoque souvent les origines obscures de l’euskara - la langue basque -, on oublie que sa mythologie et son folklore, eux aussi, déjouent les cadres habituels.
Dans un continent où les récits anciens s’articulent presque toujours autour des saisons ou cycles agricoles - mort et renaissance de la nature, combats symboliques de l’hiver et du printemps, dieux des vents ou de la pluie, esprits de la neige, orages ou tsunami provoqués par les colères divines - le système mythologique basque échappe à cette logique cyclique.
Les travaux fondateurs de José Miguel de Barandiaran, suivis par ceux de Julio Caro Baroja ou plus récemment par les groupes de recherche Etniker, montrent un trait constant : la mythologie basque est territoriale, non saisonnière.
Les créatures emblématiques - Laminak, Jentilak, Basajaun, Tartalo, Gaueko - sont associées aux grottes et ravins, aux cols et montagnes, aux rochers, aux sources et rivières, aux forêts ou à la nuit. Ce sont les rythmes naturels, hors du temps et des calendriers, et la géographie qui sont au centre de la mythologie basque et de son imaginaire : jour/nuit, soleil/orage/pluie, ombre/lumière, grottes/montagne, forêt/rivière, etc. Le panthéon basque rassemble lui aussi des divinités atemporelles, dont les récits fondateurs ne relèvent pas de la linéarité, ne respectent pas un « avant » et un « après ».
L’origine probable de cette structure - vraisemblablement pré-néolithique, fondée sur une relation très ancienne au relief - explique un univers symbolique centré sur la montagne, la pierre, les lieux liminaires, et jamais l’océan (1).
Dans ce système, les saisons ne structurent rien : elles ne jouent qu’un rôle mineur, presque décoratif (2).
Même le solstice d’hiver, généralement central ou au moins partiellement présent dans d’autres traditions européennes, n’est qu’une nuit parmi d’autres : la plus longue, certes, mais non chargée d’un sens mythique particulier.
Aucune divinité, aucun esprit, aucun cycle symbolique n’y est rattaché dans les collectes ethnographiques et littéraires. Du côté des contes et légendes ou encore des bestiaires et autres inventaires de créatures fantastiques, c’est la même histoire, on ignore presque totalement l’hiver car ce n’est pas un enjeu symbolique majeur.
La saison froide, le domaine des hommes
Si l’hiver ne constitue pas un élément déterminant dans la construction des mythes et légendes, il marque en revanche une période essentielle dans la vie humaine et sociale depuis de nombreuses générations. Loin d’être une saison vide, c’est un moment profondément habité par les hommes, un moment où l’on se tourne vers le foyer. L’hiver basque n’appartient pas aux créatures ni aux forces invisibles, mais à la communauté. C’est la saison du foyer, du rassemblement et de ce qui a trait au domestique. Les fêtes y sont rares, mais les activités humaines se densifient et se resserrent autour du village ou de la maison - etxe.
Dans ce contexte, se déroulent les jostalde (soirées de filage), bihialdi (travaux communautaires divers), xuriketa (égrenage du maïs) et autres soirées de travail collectif où l’on trie les céréales, prépare les outils, carde la laine ou sèche les herbes, répare les paniers, etc. Ces activités sont généralement accompagnées de chants, de blagues, de jeux, de musique ou de récitals de poésies. L’hiver devient le temps de la socialisation rurale, de la coopération et de la transmission des savoirs et traditions orales. Les rites qui rythment la saison appartiennent entièrement au domaine humain et répondent à des préoccupations humaines. Dès la fin de...
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