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Entreprise

Le CONTRÔLE PATRONAL des arrêts de travail

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Le contrôle patronal des arrêts de travail a été renforcé par le décret du 5 juillet 2024, lequel précise les conditions dans lesquelles l’employeur peut faire vérifier la validité d’un arrêt de travail. Ce texte encadre la procédure de contre-visite médicale sollicitée par l’employeur et reprend, pour l’essentiel, les principes dégagés par la Jurisprudence de la Cour de cassation, tout en appelant certaines précisions quant à ses modalités d’application.

Le cadre légal et le principe de la contre-visite médicale

Aux termes de l’article L. 1226-1 du Code du travail, tout salarié ayant au moins un an d’ancienneté dans l’entreprise bénéficie, en cas d’absence pour maladie ou accident constaté par certificat médical, du versement d’indemnités journalières par la Sécurité sociale. À ces indemnités s’ajoute une indemnité complémentaire à la charge de l’employeur, pendant une durée maximale de 90 jours1.
En contrepartie, le même article reconnaît à l’employeur la faculté de faire procéder, à ses frais, à une contre-visite médicale pendant la durée de l’arrêt, aux fins de vérification de sa validité par un médecin-contrôleur.
Le mécanisme d’indemnité complémentaire et de contre-visite médicale existe depuis 1978 et il était prévu qu’un décret en Conseil d’État en fixe les modalités pratiques. Ce texte n’a été publié que le 5 juillet 2024 et précise enfin les conditions de sa mise en œuvre2.

Les obligations du salarié lors de la contre-visite

À réception d’un arrêt de travail, l’employeur a la faculté de désigner un médecin-contrôleur de son choix afin de faire effectuer une contre-visite médicale. Celle-ci présente un caractère impératif. En effet, le salarié ne peut s’y soustraire et demeure tenu de respecter plusieurs obligations.

Premièrement, le salarié doit, dès le début de l’arrêt de travail ainsi qu’à l’occasion de tout changement, informer son employeur de son lieu de repos lorsque celui-ci diffère de son domicile. 
La contre-visite peut alors être réalisée sans délai de prévenance, soit au domicile du salarié, soit au lieu de repos communiqué. 
La visite peut également avoir lieu au Cabinet du praticien, sur convocation. Ce choix appartient au médecin-contrôleur.

Deuxièmement, le salarié est tenu d’être présent à son domicile ou à son lieu de repos déclaré selon les modalités indiquées sur son arrêt de travail. 
Ainsi, lorsque les sorties sont interdites, la contre-visite peut avoir lieu à tout moment de la journée. 

Lorsque les sorties sont autorisées, le salarié doit obligatoirement être présent de 9 h à 11 h et de 14 h à 16 h, sauf nécessité de soins ou d’examens médicaux ; la contre-visite doit alors être réalisée dans l’un de ces créneaux. Lorsque l’arrêt mentionne que les sorties sont libres, le salarié doit, dès le début de l’arrêt de travail ainsi qu’à l’occasion de tout changement, communiquer à son employeur ses disponibilités afin de permettre la réalisation d’un éventuel contrôle médical.

Le moment du contrôle : une question de temporalité

À ce stade, une question de temporalité mérite d’être examinée : l’employeur est-il fondé à diligenter une contre-visite médicale dès le début de l’arrêt de travail ou, en présence d’un délai de carence3, doit-il attendre d’être effectivement tenu au versement des indemnités complémentaires ?

Une interprétation littérale de l’article R. 1226-11 du Code du travail conduit à admettre que la contre-visite peut être réalisée à tout moment de l’arrêt. Une telle lecture implique cependant que l’employeur pourrait ordonner un contrôle alors même qu’il ne serait pas tenu de verser les indemnités complémentaires, notamment lorsque la durée de l’arrêt de travail est inférieure au délai de carence prévu par le Code du travail.
Cette conclusion apparaît peu satisfaisante. Par mesure de prudence, il semble préférable de ne diligenter une contre-visite médicale qu’à compter du moment où l’obligation de versement des indemnités complémentaires est effective.

Les suites et conséquences de la contre-visite médicale

À l’issue de la contre-visite médicale, le médecin-contrôleur peut conclure soit à la justification de l’arrêt de travail, soit à son absence de justification. 
Dans l’hypothèse où l’arrêt est confirmé tant dans son principe que dans sa durée, l’employeur demeure tenu de verser au salarié les indemnités complémentaires.
Le médecin-contrôleur peut également valider l’arrêt dans son principe tout en fixant une date de reprise antérieure à celle mentionnée sur le certificat médical initial. Dans ce cas, l’employeur est en droit de suspendre le versement des indemnités complémentaires à compter de la date de reprise ainsi déterminée. Le salarié, de son côté, conserve la faculté de s’en tenir à la durée initialement prescrite par son médecin et n’est pas juridiquement contraint de reprendre le travail à la date fixée par le médecin-contrôleur.

Dans l’hypothèse où le médecin-contrôleur conclut à l’absence de justification de l’arrêt de travail et déclare le salarié apte à reprendre son activité, l’employeur est en droit de suspendre le versement des indemnités complémentaires pour la période postérieure à la date de la contre-visite, et ce jusqu’au terme prévu de l’arrêt contrôlé.
Privé de ces indemnités, le salarié peut alors soit reprendre son poste, soit, conformément aux prescriptions de son médecin, maintenir son absence jusqu’au terme de l’arrêt initialement prévu.
Le médecin-contrôleur est alors tenu de transmettre son rapport au service du contrôle médical de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) compétente dans un délai maximal de quarante-huit heures. À réception de ce rapport, la CPAM appréciera l’opportunité d’engager un contrôle et, le cas échéant, de suspendre le versement des indemnités journalières de Sécurité sociale.
De même, l’employeur est tenu de communiquer sans délai au salarié les conclusions de la contre-visite médicale.

Il convient enfin de préciser que les conclusions du médecin-contrôleur ne produisent d’effets qu’au titre de l’arrêt de travail qu’il a été chargé de vérifier. En cas de prolongation ultérieure de l’arrêt prescrit par son médecin, le salarié retrouve son droit au bénéfice des indemnités complémentaires. Il appartient alors à l’employeur, s’il entend contester cette prolongation, de diligenter un nouveau contrôle médical.

Un dispositif à utiliser avec discernement

En résumé, ce dispositif permet à l’employeur de contrôler la validité d’un arrêt de travail et, en cas d’arrêt injustifié, de suspendre le versement des indemnités complémentaires. Toutefois, ce dispositif n’a aucune incidence automatique sur le versement des indemnités journalières de Sécurité sociale. Le médecin-contrôleur a seulement l’obligation d’en informer la Sécurité sociale qui prendra, de son côté, ses dispositions.
De même, et comme précédemment évoqué, ce dispositif n’a aucune incidence sur la suspension du contrat de travail. Même si le médecin-contrôleur estime que l’arrêt de travail doit être raccourci ou qu’il n’est pas justifié, le salarié a la faculté de rester en arrêt jusqu’à la date initialement prescrite par son médecin. Ce dispositif n’a donc pas d’incidence sur une reprise anticipée du travail et ne peut amener à des sanctions disciplinaires.
Au regard, notamment, du coût que représente ce dispositif pour l’entreprise, il convient, à notre sens, de l’utiliser avec précaution. En effet, si les arrêts de travail abusifs existent indéniablement, ils ne paraissent représenter qu’une fraction limitée de l’ensemble des arrêts prescrits. D’ailleurs, le médecin-contrôleur, dont l’indépendance est garantie, ne remettra en cause les prescriptions établies par un confrère que dans l’hypothèse où celles-ci apparaissent manifestement injustifiées. 

1 En pratique, les modalités ainsi que la durée de versement de cette indemnité complémentaire sont fixées par la convention collective applicable au sein de l’entreprise. À défaut, ce sont les dispositions du Code du travail qui s’appliquent.

2 Les développements qui suivent portent exclusivement sur le dispositif légal issu du décret. Il appartient au lecteur de vérifier si la convention collective applicable au sein de son entreprise prévoit des dispositions spécifiques ou complémentaires relatives à la contre-visite médicale.

3 Article D. 1226-3 du Code du travail.