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Vie locale

ÉOLIEN en mer, les ports de la zone sud-atlantique s’unissent

De g. à d. : Jean-Baptiste Gouin, Gérard Pons, Pascal Marty, Ivan Jimenez et Jean-Frédéric Laurent © CJ

Alors que l’appel d’offres du parc éolien d’Oléron 1 vient d’être déclaré infructueux, les ports de l’arc sud-atlantique affichent leur détermination à se préparer aux prochains marchés. Le 25 septembre 2025, en marge du Salon Agri’vrac, les cinq représentants des entités portuaires ont affirmé leur collaboration via la signature d’un accord entre les quatre ports de commerce de Nouvelle-Aquitaine et le Port de Bilbao.

C’est à Anglet, face à l’océan, que la rencontre s’est déroulée, un acte symbolique visant à affirmer une volonté de se tourner ensemble vers l’avenir de l’éolien en mer. Réunis autour d’un protocole d’accord stratégique, les Ports de Bayonne, Bordeaux, La Rochelle, Rochefort-Tonnay-Charente et Bilbao souhaitent affirmer la place de l’arc sud-atlantique dans la filière éolienne en mer. Leur ambition : rendre plus visible cette façade portuaire, structurer une offre intégrée, un mode de fonctionnement coopératif et préparer dès aujourd’hui les infrastructures pour capter les futurs chantiers offshore.

Un signal envoyé au marché

L’accord, volontaire et non contraignant, ne fixe pas de cadre rigide. Il s’agit avant tout d’une proposition de fonctionnement adaptable aux besoins réels des industriels. « Ce sont les titulaires de marchés qui choisiront avec quels ports travailler. Le fait que nous nous connaissions et que nous ayons l'habitude de travailler ensemble peut leur donner envie de faire travailler plusieurs ports de la façade atlantique », a expliqué Pascal Marty, Président du Port de Bayonne. Cette mise en visibilité répond directement aux attentes de l’État, qui via un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) de l’ADEME « veut structurer ses ports pour pouvoir répondre à de futurs besoins des titulaires de marchés de parcs éoliens flottants ou en mer ».

Coopération et concurrence

Les Présidents des ports insistent : la démarche repose sur une logique de coopération souple. L’accord permettra de partager de bonnes pratiques et de mobiliser des expertises complémentaires. Mais chacun reste indépendant. « Avant nous nous considérions surtout comme des concurrents et aujourd’hui nous nous considérons surtout comme des partenaires », a noté Pascal Marty, tout en parlant de concurrence intelligente. « À partir du moment où nous ne pouvons pas le faire, nous préférons quand même que ça se fasse en Nouvelle-Aquitaine, ou demain dans l’eurorégion, plutôt qu'ailleurs ». Ici, la coopération concerne principalement la filière éolienne. Néanmoins, les cinq acteurs souhaitent aller plus loin et coopérer sur d’autres sujets tels que la multimodalité, les questions de réseau, la transition industrielle, l’innovation, la transformation bas carbone des ports ou encore la durabilité et l’optimisation des supply chains.

Bilbao, un hub énergétique tourné vers l’Europe

Le Président du Port de Bilbao, Ivan Jimenez, a rappelé l’importance d’une approche européenne : « Il y aura des sujets sur lesquels évidemment nous allons être en compétition, mais en tant qu’Européens aujourd’hui, il est très important d’avoir des objectifs communs. Il faut renforcer cet arc atlantique. Nous pouvons faire des synergies, créer ou renforcer tous les systèmes logistiques de notre région ». Déjà très avancé et ancré dans le paysage de l’éolien, avec des acteurs industriels comme Gamesa ou Haizea Wind, Bilbao veut mettre cette expérience au service d’une coopération transfrontalière plus large qui mêle innovation, décarbonation et logistique.

Une filière à construire

Les ports néo-aquitains avaient déjà esquissé une organisation via l’initiative Aquitania Wind Energy. Dans ce schéma, Bayonne devait produire les tôles épaisses et tronçons de mâts, Bordeaux fabriquer les flotteurs, La Rochelle assurer l’assemblage, et Rochefort gérer l’ancrage et le stockage. « Ce sont les entreprises [titulaires de marchés et donneurs d’ordres] qui vont décider et choisir si elles souhaitent travailler avec l’ensemble des cinq ports, avec deux des cinq ports, trois, etc. », a précisé Pascal Marty. Pour Jean-Frédéric Laurent, Président du Port de Bordeaux, l’enjeu est clair : « L’éolien en mer est une filière à construire. Ce seront des chantiers énormes, et nous aurons besoin d’un partage de compétences. Individuellement, aucun port ne peut absorber de tels projets. Ensemble, nous devons nous préparer à ces marchés industriels qui représentent plusieurs milliards d’euros ». Même constat du côté de La Rochelle. « Nous savons que toutes les opérations logistiques glisseront d’un port à l’autre. Nous avons donc besoin d’avoir des infrastructures qui soient capables d’accueillir ces projets à partir du moment où nous serons en phase d’assemblage de flotteurs ou d’intégration, et ce sur les 10, 15, 20 ans à venir. », a expliqué Jean-Baptiste Gouin, Directeur Marketing et Patrimoine. « C’est vraiment une certaine forme d’agilité, de complémentarité que nous voulons créer sur cet arc atlantique, notamment la Nouvelle-Aquitaine et l’est de Euskadi ».

Bayonne en première ligne

Au-delà du symbole, l’accord sert aussi de vitrine pour les projets concrets engagés sur la Côte Basque. Côté éolien, le Port de Bayonne prévoit 20 millions d’euros d’investissements sur la zone industrielle de Tarnos, afin d’accueillir une chaudronnerie lourde capable de transformer les tôles épaisses produites localement en tronçons de mâts. Ces infrastructures doivent permettre de stocker, assembler et acheminer des composants destinés aux futurs parcs offshore. L’ambition de Bayonne ne s’arrête pas à l’éolien. Le Port entend devenir un hub de transport et de production d’énergies vertes. « Nous prévoyons sur le Port de Bayonne, d’être un hub de transport d’énergie verte. Cela peut être à terme de l’hydrogène, ou du CO2 qu’il faudra stocker », a détaillé Pascal Marty. Le Port travaille également sur des projets de production d’électricité verte et envisage des solutions innovantes pour décarboner l’activité des industriels locaux, et alimenter les agglomérations voisines. Avec la signature de ce mémorandum, les Ports de l’arc sud-atlantique veulent se positionner comme une alternative crédible aux grands hubs européens et capter une part des futurs chantiers éoliens en mer.