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Vie locale

De nombreux pics de chaleur durant tout l’été 2020

Francis Morisset, prévisionniste de Météo-France et climatologue

Francis Morisset, prévisionniste de Météo-France et climatologue

Pour Francis Morisset, prévisionniste de Météo-France et climatologue, ce qu’ont vécu les Pyrénées-Atlantiques en terme de météo cet été, reflète les prévisions du Giec (Groupement d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat).

Le constat

Courbes et chiffres à l’appui, Francis Morisset, prévisionniste conseil et en aéronautique dont les bureaux sont basés dans la tour de contrôle de l'aéroport de Biarritz, remarque des évolutions climatiques depuis plusieurs décennies. Pour cette année 2020, le climatologue a constaté un début d’année avec des températures plus élevées que la normale mais un mois de juin plus frais et pluvieux. Par exemple, Cambo-les-Bains a connu un excédent pluviométrique avec 144 mm de précipitations contre 96 mm habituellement, mais un déficit au mois de juillet avec 31 mm contre 80 mm en temps normal. Par ailleurs, c’est la première fois en vingt ans qu’il n’y a pas eu un seul jour de gel au Pays Basque. Il remarque également une fréquence de plus en plus importante de vagues de chaleur en été, c’est-à-dire des températures anormalement élevées pendant plusieurs jours consécutifs.

Les pics de chaleur

Le Pays Basque a été frappé par de nombreux pics de chaleur durant les mois de juillet, août et même septembre. Un pic de chaleur se caractérise par un épisode bref, généralement de 24 à 48 heures, durant lequel les températures sont très au-dessus des normales saisonnières. L’été 2020 au Pays Basque sera marqué par la journée du 30 juillet qui a battu des records de chaleur, notamment avec 41,9 °C à la pointe de Socoa à 17 heures, dépassant les 40,2 °C enregistrés lors de l’épisode caniculaire de 2003.

Les canicules

Les Pyrénées-Atlantiques ont connu cet été plusieurs épisodes caniculaires, sans entrer au stade de la vigilance orange. « On parle de canicule, lorsqu’il y a des températures élevées, de jour comme de nuit, sur une période prolongée, explique Francis Morisset. Pour les identifier, des seuils de température et de durée sont définis et varient selon les départements. Ici, au Pays Basque, il faut un minimum de trois jours avec des températures nocturnes égales ou supérieures à 19 °C et des températures en journée égales ou supérieures à 34 °C. Nous avons observé une période caniculaire entre le 22 et le 25 août et en septembre aux alentours du 5 puis entre le 10 et le 17. Nous avons relevé des températures anormalement élevées pour un mois de septembre avec 35 °C à Saint-Palais, 35 °C à Navarrenx par exemple. »

Le brouillarta, soupape de sécurité du Pays basque

Habituellement, nous connaissons à plusieurs reprises des épisodes de brouillarta, ce phénomène de coup de vent brutal survient après des journées chaudes et apporte de la fraîcheur. Mais, « cette année, ce phénomène n'a pas eu lieu, car il n'y a pas eu de vent qui fait baisser la température de l'eau. Si la température de l'eau a pu monter à 24 °C c'est parce qu'il y a eu peu de vent depuis le mois de mai et que l'eau a atteint 20°C dès le mois de juin (elle n'est descendue qu'à 13 cet hiver au lieu de 10 habituellement) », rapporte Francis Morisset. « Il aurait fallu deux jours à 34 °C à Biarritz pour avoir un fort brouillarta. La différence entre la température de l'air et celle de l'océan d'au moins 10 °C ». Le brouillarta entraîne une chute importante des températures (au moins 10 °C) et s'accompagne d'un vent violent. Au Pays Basque, il se produit généralement entre les mois de mai et d'octobre, entre 14 heures et 23 heures. Ce phénomène est aussi lié à l'interaction avec une chaîne de montagnes à proximité.

La sécheresse

Malgré un hiver pluvieux qui a rempli les nappes phréatiques et les cours d’eau, le climatologue observe une sécheresse des sols dans les Pyrénées- Atlantiques et un bas niveau des cours d’eau mais pas déficitaires. Il est important de noter la différence entre la sécheresse des sols, dite « agricole », qui se caractérise par un déficit en eau des sols superficiels (entre 1 et 2 m de profondeur), et qui dépend des précipitations et de l’évapotranspiration des plantes et la sécheresse hydrologique qui se manifeste lorsque les lacs, rivières ou nappes souterraines montrent des niveaux anormalement bas. « Cette sécheresse sévère des sols observée, et qui fait souffrir les agriculteurs, s'inscrit dans ce que prévoient les rapports du Giec », constate Francis Morisset.

Pourquoi ces épisodes de chaleurs ?

Le climatologue a observé un changement de circulation de l’air, (qui est méridienne c’est-à-dire sur un axe nord sud) depuis une vingtaine d’années au Pays Basque ce qui expliquerait ces épisodes de chaleur de plus en plus fréquents. La masse d’air provenant du vent du sud est comprimée par les sommets des Pyrénées qui la réchauffent. Ces épisodes se prolongent. D’après les relevés météo, il en existe une vingtaine entre septembre et novembre ce qui entraîne une hausse des températures. Pour le climatologue, ces constatations vont dans le même sens que le Giec, qui dans ses différents rapports, prévoit, dans sa version optimiste, si rien ne change, une hausse de la température planétaire de 1,5 à 2 °C d’ici à 2050. « Mais pour que la version optimiste se réalise, il faudrait que les gouvernements appliquent dès maintenant une politique de réduction des gaz à effet de serre », conclut Francis Morisset.