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Vie locale

RENÉ CASSIN : l’architecte de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme

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Certains hommes sont destinés à passer à la postérité en franchissant les grandes portes de l’Histoire. René Cassin, par son engagement exceptionnel en faveur des droits de l’Homme, de la dignité humaine et de la Liberté dans sa dimension la plus noble, en fait partie.

La justice avant tout

Né à Bayonne en 1887 dans une famille juive venue de Nice, René Cassin connait dès son enfance les défis liés à la discrimination et à la diversité culturelle. Durant son adolescence, il se passionne pour l’affaire Dreyfus, mais loin de se replier sur lui-même, cette erreur judiciaire nourrit sa détermination à lutter contre l’injustice.

René Cassin a fait ses études de droit entre les facultés d’Aix-Marseille et de Paris, où il a rapidement acquis une réputation d’intellectuel engagé. En 1914, il devient avocat au Barreau de Paris. Il est mobilisé au début de la Grande Guerre au grade de caporalchef. Cependant, il est grièvement blessé aux jambes et au ventre, ce qui le contraint à porter une ceinture abdominale pour le reste de sa vie. Son expérience sur le front renforce davantage sa conviction en la nécessité de prévenir les conflits et de promouvoir la paix par le biais du droit international.

L’amour du droit

L’après-guerre a vu Cassin s’impliquer activement dans la scène politique française, notamment auprès des anciens combattants et des mutilés. Il poursuit en parallèle ses recherches en droit et enseigne d’abord à Lille, puis à Paris dès 1929 (seule la mort l’éloignera de l’enseignement !). À la demande du gouvernement d’Édouard Herriot, il représente la France à la Société des Nations (ancêtre de l’ONU), de 1924 à 1938. Il démissionne de son poste dès la signature des accords de Munich, les jugeant indignes et honteux.

Cette expérience, parfois douloureuse, lui permet de nouer de solides amitiés avec des juristes et diplomates du monde entier, et d’affermir sa volonté de rapprocher les peuples. Il milite ardemment, à contre-courant des pensées des élites politiques, pour un rapprochement entre la France et l’Allemagne afin de ne pas répéter les erreurs du passé.

Le juriste de la France Libre

Lorsque la France entre en guerre contre l’Allemagne nazie, René Cassin est nommé à la direction de la documentation au Commissariat à l’Information. Mais refusant la signature de l’armistice par le maréchal Pétain, il s’oppose ouvertement au gouvernement de Vichy (qui le condamne à mort et le prive de sa nationalité par contumace). Il gagne alors Saint-Jean-de-Luz où il embarque sur l’Ettrik, en juin 1940, afin de rejoindre le général de Gaulle à Londres.

Ce dernier fait immédiatement de Cassin le responsable du service juridique de la France Libre, et lui confie le soin de négocier avec Winston Churchill la convention avec le Royaume-Uni (même s’il ne parle pas un mot d’anglais).

Malgré quelques désaccords avec le Général de Gaulle, il prépare méticuleusement la restauration de la République française et prend la tête du Comité juridique de la France combattante (ou Conseil d’État), à Alger. En parallèle, il siège à la Conférence permanente des ministres de l’Éducation des pays alliés. En 1946, il fait d’ailleurs partie des fondateurs de l’UNESCO.

Le droit au service de l’Homme

Dès 1945, René Cassin devient un artisan de la paix entre les peuples. Expert pour la France au sein de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies, il est l’un des rédacteurs principaux de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée le 10 décembre 1948. Il affirme devant le monde entier : « Notre déclaration se présente comme la plus vigoureuse, la plus nécessaire des protestations de l’humanité contre les atrocités et les oppressions dont tant de millions d’êtres humains ont été victimes à travers les siècles et plus particulièrement pendant et entre les deux dernières guerres mondiales » René Cassin a insisté sur l’universalité des droits et a plaidé pour une approche inclusive, refusant toute forme de discrimination.

Parallèlement à son travail aux Nations Unies, le juriste français est un membre actif de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, contribuant à l’édification d’un système juridique européen garantissant les droits individuels. En France, il est aussi membre du Conseil constitutionnel, de 1960 à 1971.

L’engagement infatigable de René Cassin en faveur des droits de l’homme et de la dignité humaine a été reconnu par de nombreux honneurs, dont le Prix Nobel de la paix en 1968. Jusqu’à sa mort, en 1976, il continue à lutter pour la paix entre les peuples, notamment en créant l’Institut International des Droits de l’Homme.

Depuis 1987, sa dépouille repose au Panthéon, à Paris.