Les trésors du Musée BONNAT-HELLEU à redécouvrir (3ème partie)
Après avoir parcouru les chefs-d’œuvre européens du Musée Bonnat-Helleu, ce dernier volet met à l’honneur des œuvres à la croisée du génie classique, du portrait d’apparat et de l’enracinement local. Des dessins virtuoses de Léonard aux allégories engagées de Bonnat, c’est une autre facette, tout aussi fascinante, de ce musée exceptionnel que nous découvrons ici.
Paul Helleu
Madame Helleu lisant sur la plage de Deauville (vers 1892-1896)
Avec Paul Helleu, l’élégance devient un art à part entière. Ce tableau intime représente son épouse Alice, muse et complice de toujours, lisant paisiblement sur la plage. Pas de pose mondaine ici, mais une scène volée, douce et naturelle.
Helleu joue avec les textures : les plis du tissu, les ombres du sable, la lumière filtrée par le large chapeau. Son pinceau, léger comme une plume, saisit la quiétude d’un instant d’été.
Ce tableau est une déclaration d’amour silencieuse, où chaque détail dit la tendresse. Il offre également un contrepoint discret à ses portraits plus mondains : ici, c’est la vie qui parle, simple et belle.
Henri Zo
Triptyque bayonnais (1912-1914)
Henri Zo, élève de Bonnat, est un artiste profondément enraciné dans le Pays Basque. Ce triptyque monumental, peu connu du grand public, est une œuvre capitale pour l’histoire artistique locale.
Réalisé juste avant la Première Guerre mondiale, il représente Léon Bonnat entouré de ses élèves, dans une scène qui mêle symbolisme et réalisme. Le maître, au centre, rayonne d’autorité bienveillante. Autour de lui, de jeunes artistes aux visages concentrés et lumineux. Le fond évoque les paysages basques, et l’ensemble baigne dans une lumière chaude, presque sacrée.
Ce tableau, hommage autant qu’affirmation identitaire, illustre combien l’enseignement de Bonnat a façonné l’art régional et insufflé une dignité nouvelle aux créateurs de la province.
Léonard de Vinci
Études de personnages et d’éléments décoratifs (vers 1480-1481)
Ces feuillets précieux, attribués au génie florentin, sont d’autant plus remarquables qu’ils ne se trouvent pas au Louvre ou à Windsor, mais ici, à Bayonne. Datant du début de la période milanaise de Léonard, ces dessins mêlent études anatomiques, visages expressifs et ornements complexes. En 2019, certains d’entre eux ont d’ailleurs été prêtés au Musée du Louvre à l’occasion de la grande exposition consacrée au peintre italien à l’occasion des 500 ans de sa mort.
On y lit une pensée en mouvement, une main qui cherche la vérité des formes dans le moindre détail. Chaque trait respire la rigueur et la liberté : mouvements de draperies, positions de jambes, courbes décoratives. C’est dans ces esquisses que l’on perçoit toute la modernité du maître, son désir de comprendre avant de représenter. Elles constituent un véritable trésor graphique.
Léon Bonnat
La Justice éclairant la Vérité et protégeant contre le mensonge et la calomnie (1901)
Dans cette grande composition allégorique, Bonnat mêle peinture d’histoire et message moral. Commandée pour orner une salle de Cour d’appel, l’œuvre met en scène la Justice – figure féminine rayonnante – tenant la lumière qui éclaire la Vérité, nue, vulnérable, mais digne.
Autour, des figures hostiles : le Mensonge, la Calomnie, sombres et grimaçantes, tentent d’envahir l’espace. Mais la lumière les repousse. La composition, très structurée, rappelle les fresques de la Renaissance, tandis que le traitement naturaliste ancre la scène dans le présent.
Ce tableau, réalisé à la fin de la carrière de Bonnat, est un manifeste : celui d’un artiste engagé, humaniste, qui croyait à la vertu des images dans un monde troublé.
Portrait du Comte Pillet-Will (1878)
On connaît Bonnat pour ses portraits officiels de présidents ou d’évêques, mais ce portrait d’homme d’affaires révèle une autre facette : celle d’un peintre psychologue, maître dans l’art de la vérité.
Le Comte Pillet-Will, banquier influent du Second Empire, est ici représenté assis, regard direct, costume sobre.
Rien de démonstratif : tout se joue dans les yeux, dans la tension du visage, dans les mains croisées. Bonnat excelle à faire parler le silence, à capter l’intériorité derrière les apparences.
Ce portrait a été salué dès sa présentation pour sa force retenue et son refus de l’artifice. Il reste l’un des sommets du portrait masculin de la Troisième République.
Un Musée pour les curieux et les rêveurs
Ces cinq œuvres – savantes ou intimes, classiques ou locales – sont autant de portes d’entrée dans l’univers multiple du Musée Bonnat-Helleu. Chaque visite y devient un voyage, de la Renaissance italienne au Pays Basque du 20e siècle. Et derrière chaque cadre, ce sont des vies, des regards, des engagements qui continuent de nous parler. Vivement sa réouverture !
- Au SOMMAIRE du 23 juillet 2025
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