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Vie locale

Les TRÉSORS du Musée Bonnat-Helleu à redécouvrir (1ère partie)

© Musee Bonnat-Helleu, Ville de Bayonne / A.Vaquero

Après de longues années de travaux de rénovation et d’agrandissement, le Musée Bonnat-Helleu de Bayonne s’apprête enfin à rouvrir ses portes au public, avant la fin de l’année 2025. Cette réouverture, très attendue, marquera un moment fort de la vie culturelle bayonnaise, tant les collections du musée comptent parmi les plus riches de France (sans compter Paris). À cette occasion, nous vous proposons une série de trois articles consacrés à quinze chefs-d’œuvre emblématiques du musée. Peintures ou dessins, chaque oeuvre sélectionnée témoigne de la richesse, de la diversité et de l’exigence artistique qui font la singularité du Musée Bonnat-Helleu.

Francisco de Goya

Autoportrait aux lunettes (vers 1800)

Francisco de Goya y Lucientes, né en 1746 près de Saragosse, est l’un des plus grands artistes espagnols de tous les temps. Graveur hors pair, portraitiste royal, critique acide de son époque, il a traversé les bouleversements de la fin du 18e siècle avec une intensité rare. Dans ce petit autoportrait au regard perçant derrière des lunettes ovales, Goya nous offre une vision intime, presque fragile, de lui-même. Finies les poses académiques : ici, c’est l’homme qui se montre, dans sa vérité. Le fond neutre, l’éclairage discret et l’expression concentrée composent une oeuvre d’une grande modernité. Cet autoportrait marque un tournant : celui d’un art plus introspectif, où l’artiste devient sujet.

Albrecht

Dürer Tête de chevreuil (vers 1502)

Albrecht Dürer, figure centrale de la Renaissance allemande, est né à Nuremberg en 1471. Imprimeur, peintre, théoricien, il a introduit l’art de la gravure au sommet de son époque. Avec cette aquarelle d’une précision stupéfiante, il rend hommage à la beauté du monde naturel. Le chevreuil est représenté de profil, avec un réalisme bouleversant : poils, lumière sur les bois, tension du regard… tout est d’une finesse extrême. Il ne s’agit pas seulement d’une étude zoologique, mais d’un manifeste en faveur de l’observation minutieuse. Dürer, en quelques traits de pinceau, exalte la vie sauvage comme jamais auparavant.

Jean-Auguste Ingres

La Baigneuse à mi-corps (1807)

Jean-Auguste-Dominique Ingres, élève de David et fervent défenseur du dessin, naît à Montauban en 1780. Il est l’un des piliers du néoclassicisme français. La Baigneuse de Bayonne est l’une de ses premières explorations du nu féminin. Ici, pas de scène mythologique ni de mise en contexte. Le modèle est vu de dos, à mi-corps, dans une pose paisible. Le turban oriental contraste avec la peau laiteuse, presque irréelle. Le corps devient motif graphique, quasi abstrait. Cette oeuvre, tout en douceur et en retenue, annonce les recherches d’Ingres sur la ligne, qu’il poussera jusqu’à l’extrême dans ses futurs portraits.

El Greco

Portrait du duc de Benavente (vers 1600)

Doménikos Theotokópoulos, dit El Greco, est un artiste singulier. Né en Crète en 1541, il s’imprègne des cultures byzantine, vénitienne et espagnole pour développer un style inimitable : visages allongés, couleurs vibrantes, lumière surnaturelle.

Le Duc de Benavente, représenté ici, incarne la noblesse espagnole du Siècle d’or (16e - 17e siècle). Regard lointain, silhouette sombre sur fond d’ombre, l’homme impose le respect. Mais El Greco transcende la simple ressemblance : il peint une âme, une présence intérieure. Son style, longtemps jugé étrange, annonce pourtant les grands mouvements modernes, de l’expressionnisme au cubisme.

Puvis de Chavannes

Doux Pays (1882)

Né à Lyon en 1824, Pierre Puvis de Chavannes fut un peintre en marge des courants de son temps, mais influent sur tous les symbolistes. Ami de Baudelaire, proche de Gauguin, il a marqué l’art mural du 19e siècle. Dans Doux Pays, on découvre une scène pastorale : jeunes filles, enfants, mer en arrière-plan. Tout semble suspendu, apaisé, presque hors du temps. Les couleurs sont mates, les formes arrondies, les gestes lents. L’œuvre n’illustre rien, elle suggère. C’est un rêve éveillé, une évocation de l’harmonie perdue. On comprend pourquoi Puvis fut admiré par les Nabis, puis par Matisse.

Une collection, cinq époques, une même émotion

Ce qui relie ces cinq oeuvres, malgré leurs styles et siècles différents, c’est leur pouvoir de nous toucher aujourd’hui. Chacune nous tend un miroir, nous interroge ou nous apaise. Le Musée Bonnat-Helleu, avec cette collection unique en région, nous rappelle que l’art n’est pas réservé aux capitales : il vit aussi ici, entre Adour et Nive, dans les murs silencieux d’un musée en devenir.