Imprimer la page
Vie locale

La TRANSHUMANCE en terre basco-béarnaise : une pratique pastorale vivace

© FP

La montée des troupeaux sur les sentiers pastoraux © FP

La fin du printemps marque le grand retour de la transhumance dans les vallées basco-béarnaises qui résonnent alors de mille sonnailles. Pratique associée à un pastoralisme bien présent dans le 64, la transhumance est un patrimoine vivant de notre territoire.

La migration de troupeaux d’herbivores conduits par leur berger vers des pâturages naturels pour paître est une pratique répandue à travers le monde. En France, la transhumance est présente dans les territoires de haute et de moyenne montagne et suit le cycle des saisons. Au printemps et à l’automne, des milliers d’animaux se pressent sur les sentiers pastoraux traditionnels. Nous parlons de « transhumance estivale » lorsque les bêtes gagnent les pâturages d’altitude et de « transhumance hivernale » lors de leur descente vers les plaines au climat plus doux. Un véritable déplacement saisonnier qui est au coeur d’un mode d’élevage ancestral : le pastoralisme. Selon l’Association Française de Pastoralisme, « le pastoralisme regroupe l’ensemble des activités d’élevage valorisant, par un pâturage extensif, les ressources fourragères spontanées des espaces naturels, pour assurer tout ou partie de l’alimentation des animaux ». Dans les Pyrénées-Atlantiques*, plus de 2 200 exploitations transhument chaque année sur 150 000 hectares d’estives gérées collectivement soit, par des communes, des commissions syndicales, des associations foncières pastorales ou des groupements pastoraux. Avec près de 300 000 ovins, 33 000 bovins, 5 000 caprins, 5 000 équins et asins qui transhument, le 64 est l’un des départements les plus dynamiques de France dans l’activité pastorale. À lui seul, il représente plus de 40 % du cheptel transhumant du massif pyrénéen et 25 % au niveau français.

Une pratique millénaire à préserver

Le pastoralisme remonte au Néolithique (entre 6 000 et 2 500 av-JC), période qui marque le début de l’élevage et de la culture de la terre. La transhumance est ainsi une pratique ancestrale résultant d’une solide connaissance du territoire et entraînant des pratiques sociales et savoir-faire relatifs aux soins, à l’élevage et au dressage des animaux, de même qu’à la gestion des ressources naturelles. En inscrivant la transhumance au patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2023, l’UNESCO valorise ces savoir-faire ancestraux et reconnaît l’apport bénéfique de l’activité pastorale pour les territoires. Une reconnaissance venant soutenir de nombreux éleveurs basques et béarnais qui défendent ce modèle d’agriculture au plus près de la nature et des animaux, tout en s’adaptant à l’évolution de l’activité pastorale qui s’est modernisée. En effet, il est désormais plus courant d’amener les bêtes en bétaillères au plus près des estives, que de les mener à pied de longues journées durant sur les routes landaises et basses-pyrénéennes. Toutefois, la transhumance perdure et les actions en sa faveur contrebalancent les menaces rencontrées, telles les problématiques de transmission et de maintien des fermes.

Une nécessité économique pour les éleveurs

La transhumance est une pratique vitale pour les petites exploitations qui ne peuvent nourrir leurs bêtes toute l’année avec leurs parcelles et qui souhaitent les élever de la manière la plus naturelle possible. Pour assurer la pérennité de ces fermes, le bétail est mis alors en pâture en altitude pour ne pas épuiser la ressource en herbe et permettre à celle-ci de repousser dans les parcelles. Ainsi, à partir de fin mai et début juin, les animaux sont envoyés en estive pendant que les terres se régénèrent autour de la ferme. Durant l’été, la nouvelle pousse sera coupée une à deux fois. Le fourrage obtenu sera donné aux bêtes lors de leur retour à la ferme en automne et surtout en plein hiver. De plus, la transhumance estivale permet aux troupeaux de pâturer des fleurs et des plantes de montagne ne se trouvant qu’à cette altitude. Elles donnent ce caractère spécifique aux différents fromages régalant nos papilles et assurant la viabilité des fermes du 64 où le pastoralisme est majoritairement laitier.

Un atout pour les zones de montagne

L’activité pastorale apporte un vrai bénéfice en ce qui concerne l’entretien des vallées et le plaisir que nous prenons à y randonner en se pâmant devant la mosaïque de paysages offerts. Grâce aux troupeaux montés en estive pour pâturer, les terres sont débarrassées des broussailles qui couvriraient la montagne. Un travail d’entretien mené entre les troupeaux, les paysans et la montagne qui permet non seulement de rendre celle-ci dynamique et attractive, mais également de voir s’y déployer une grande biodiversité en termes de faune et de flore. Un écosystème riche qui découle de ce pastoralisme bien vivant dans nos montagnes basco-béarnaises et qui nous ravit.

Nombreux sont ceux à tomber sous le charme des discrètes bordes (granges pastorales) ou des rustiques cayolars (cabanes d’estives), de même qu’à être subjugués par l’élégant ballet d’un troupeau rassemblé par un border collie suivant les consignes de son berger lui sifflant des ordres dans une langue connue d’eux seuls.

Un rituel ancestral incontournable

Mais la transhumance n’est pas qu’une pratique, c’est également une fête emplie de traditions célébrant le début et la fin d’une saison. La montée et la descente des troupeaux sont l’occasion d’organiser des temps de liesse aux couleurs locales : défilés d’animaux, repas, marchés, animations culturelles et sportives. Tout un tissu socioéconomique s’est constitué autour de cette pratique pastorale qui fédère l’ensemble des participants : familles transhumant depuis des générations, communautés vivant le long des itinéraires pastoraux et visiteurs se mêlant à la célébration des passages de troupeaux. La transmission de ce rituel est perpétuée grâce à un ensemble d’acteurs qui font vivre cette pratique pastorale afin qu’elle reste toujours vivace, tant elle s’inscrit dans le patrimoine pyrénéen et contribue à rassembler, créer du lien et renforcer une identité culturelle. Citons la Vallée d’Ossau avec Laruns qui, début juillet, célèbre en grande pompe la montée des troupeaux vers les estives d’Anéou et de Bious, de même que vers l’idyllique plateau du Bénou. Une plongée dans le coeur vibrant du pastoralisme de nos montagnes basco-béarnaises.

* Chambre d’Agriculture des Pyrénées-Atlantiques