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Juridique

La Cour Criminelle Départementale, une nouvelle juridiction contestée

© david_franklin - stock.adobe.com

Expérimentées depuis trois ans, les Cours Criminelles Départementales (CCD) sont désormais généralisées à tous les départements français, depuis le 1er janvier 2023. Une nouvelle juridiction pénale qui revient sur un grand principe et dont l’utilité est contestée par les avocats. 

Instituée par la Garde des Sceaux Nicole Belloubet (Loi 23 mars 2019), la Cour Criminelle Départementale (CCD) a été expérimentée durant trois ans sur une quinzaine de départements. Depuis le 1er janvier 2023, cette nouvelle juridiction est généralisée sur l’ensemble du territoire français. À compter de cette date, tous les crimes punis de quinze ans ou vingt ans de réclusion criminelle (viols, violences mortelles, tortures et actes de barbarie…) seront jugés par les CCD dont la particularité est d’être exclusivement composées de magistrats professionnels.

La disparition des jurés populaires

Ces Cours Criminelles ne viennent pas se substituer aux Cours d’Assises, toujours compétentes pour juger les crimes passibles de plus de 20 ans de réclusion. Mais alors que la Cour d’Assises rend la justice avec trois magistrats professionnels et neuf jurés, la CCD n’inclut plus dans son fonctionnement de jury populaire. Pour ces crimes, seuls cinq magistrats professionnels siègent. 
Pour beaucoup, cette absence de jurés est une atteinte au principe de justice rendue par le peuple. À tel point qu’une tribune a été publiée dans Le Monde (03 novembre 2022) dans laquelle plus de 600 professionnels de la Justice et du Droit ainsi que des élus alertent sur la suppression des jurys populaires qui selon eux reviendrait à « rompre un peu plus le lien entre les citoyens et leur justice ». 

Un bilan peu convaincant

Un des objectifs de cette création est le raccourcissement des délais. Pour la Cour d’Assises, la volonté est que le procès se tienne dans les douze mois suivant l’audience de renvoi, et pour les CCD, dans les six mois. « Malheureusement, la période d’expérimentation a démontré que les six mois n’ont jamais été atteints. Dans seulement 12 % des cas, on note un gain de temps. Mais le taux d’appel étant beaucoup plus élevé, ce gain est annulé par un appel devant la Cour d’Assises » explique Anne-Marie Bonnet, Bâtonnier du Barreau de Bayonne. 
Un des autres objectifs était celui de faire des économies. Mais là aussi, au bout du compte, on en est loin, selon l’avocate. « Certes, on ne défraie pas les jurés populaires, mais dans les CCD, il faut plus de magistrats, car il y a plus de sessions ». Des juges souvent empruntés dans d’autres chambres, ce qui ralentit leurs audiences. Une stratégie consistant à déshabiller Paul pour habiller Jacques, contre laquelle les avocats se lèvent. 
Sur le sujet, la conférence des bâtonniers du grand Sud-Ouest s’est exprimée au travers d’une motion, le 15 décembre dernier. « Les éventuelles économies engendrées par les CCD produisent de nombreuses externalités négatives sur le plan financier : augmentation du taux d’appel et mobilisation de magistrats qui perdent du temps sur leur fonction principale civile ou pénale ».
Pour Maître Anne-Marie Bonnet, le constat est clair, « pour que cela fonctionne, il faut plus de magistrats et de greffiers ». Car en l’état actuel des choses, « nous n’avons pas les moyens de mettre les CCD en place ».