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Vie locale

Intzola... dans les pas des contrebandiers

© SG

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Qualifier le chemin d’Intzola de « ravissant petit coin de verdure où il fait bon se promener » serait sans doute réducteur, tant ces lieux ont de choses à raconter.

Un peu de géographie pour commencer

Le chemin d'Intzola démarre à Olhette, sur les hauteurs d’Urrugne, non loin de la chapelle Saint-Michel-Garicoïts. Pour s’y rendre, il suffit de prendre la direction du col d’Ibardin, puis de bifurquer en direction d’Ascain. Il s’achève à Bera, en Navarre, sur les bords de la Bidassoa. Il porte le nom du cours d’eau éponyme et trouve ses racines toponymiques dans le basque Ihintza, la rosée. 
Son tracé est stratégique, car, pour l’antique voyageur arrivant de Bayonne via Ahetze, il était l’un des deux seuls choix possibles pour franchir la chaîne des Pyrénées. Le premier, à l’extrême Ouest, nécessitait d’emprunter la voie fluviale et de traverser la Bidassoa sur des gabares. Le second permettait de rejoindre la Navarre directement par la vallée d’Intzola grâce à son faible dénivelé de tout juste 280 mètres.

Plus de 2000 ans d’histoire vous contemplent

Longtemps nommée « voie royale d’Espagne », puis « chemin des napoléoniens », l’appellation de « voie romaine », employée plus récemment, est quant à elle erronée. Évidemment, le tracé était emprunté dès l’Antiquité romaine, comme nous venons de le voir, probablement plus tôt encore, mais le chemin que nous connaissons aujourd’hui date plus raisonnablement de l’époque médiévale.
Il suffit pour cela d’observer la structure même du chemin. Sur plus de 5 km, les pavés, admirablement bien conservés malgré l’humidité, nous offrent des éléments d’explications très précieux. La voie est bordée, de chaque côté, de grandes pierres rectangulaires ou carrées posées à plat sur le sol. Le centre est rempli de galets, de rivières et de morceaux cassés de bordures, sur une simple couche. En Navarre, le chemin possède une particularité supplémentaire : une rigole centrale qui sépare la voie en deux. La structure de ce chemin est donc bien loin de correspondre aux voies romaines, dont la construction suivait toujours le même modèle, composé de plusieurs couches successives (mortier, pierres, graviers, sable, dalles).
Bien plus qu’un simple passage entre le Labourd et la Navarre, le chemin d’Intzola a surtout participé à l’activité minière de la région, ce qui explique sans doute son excellent état de conservation. Il faut attendre 1881 et l’ouverture de la route d’Ibardin pour que la voie soit délaissée définitivement.

L’art de la contrebande

Là où se trouve une frontière, se pratique presque toujours l’activité de contrebande. Le Pays Basque n’échappe pas à cette vérité et l’a même érigée au rang d’art national pendant plusieurs siècles. Depuis 1659, et le traité des Pyrénées qui établit la frontière actuelle entre la France et l’Espagne, jusqu’à la Première Guerre mondiale, le chemin d’Intzola a été l’un des lieux de prédilection des échanges frauduleux entre les deux pays.
Contrebande organisée en réseau, colportage ou encore pacotillage en famille, ont fait les beaux jours du chemin, à l’instar de celui menant de Sare à Zugarramurdi, plus à l’Est.
Parmi les marchandises les plus prisées des contrebandiers, on liste le tabac, l’alcool, les allumettes, les minerais tels que le cuivre, mais aussi le sucre et le café arrivant des colonies. Sans oublier les animaux, chevaux et bétails en tête.

Chemin de fuite

Voie discrète au milieu d’une végétation luxuriante, il est également important de souligner combien ce chemin d’Intzola a joué un rôle crucial dans l’exil de ceux qui fuyaient les conflits meurtriers. Elle a ainsi permis à de nombreux opposants à Franco de quitter le pays pendant la guerre civile espagnole, mais aussi de faire passer des juifs et des résistants pendant la Seconde Guerre mondiale (l’abbé Pierre l’a lui-même emprunté pour rejoindre Madrid puis l’Algérie).
Accessible en famille, l'une des plus belles voies pavées du Pays Basque offre donc un condensé de l’histoire frontalière de la région qui s’appréciera d’autant plus avec le retour du printemps.