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Vie locale

À la découverte de... la pêche à la pibale

La pêche à la pibale s’effectue uniquement la nuit, sur une amplitude de 5 h, l’activité prenant fin avec la pleine mer © DR

La pêche à la pibale s’effectue uniquement la nuit, sur une amplitude de 5 h, l’activité prenant fin avec la pleine mer © DR

Il y a un an, France 3 suivait les pêcheurs de pibales du Sud-Ouest pour son émission Thalassa. Les réactions sur les réseaux sociaux furent virulentes, dénonçant une « pêche honteuse » tenue pour responsable de la disparition progressive des anguilles. Pourtant, cette pêche artisanale et traditionnelle représente la source de revenus principale de plusieurs dizaines de pêcheurs dans les Landes et les Pyrénées-Atlantiques. On pourrait certes l’accuser d’être trop intensive et de ne laisser aucune chance aux civelles de grandir et de se reproduire pour faire perdurer l’espèce. Ou alors, on pourrait aussi ne pas être hypocrite et regarder la réalité en face, celle d’un écosystème mis à mal par l’activité humaine en général qui vient considérablement appauvrir le milieu aquatique. Sans oublier la part non négligeable du braconnage.

Aujourd’hui, la pêche à la pibale est extrêmement réglementée. La saison s’étend du 1er novembre au 31 mars, mais les pêcheurs peuvent réellement espérer de bonnes prises jusqu’à la mi-février. C’est une pêche exigeante, individuelle et nocturne qui se fait en suivant les marées.

Actuellement, plus aucune licence n’est attribuée dans un contexte où on cherche à tout prix à fermer cette pêche tant les stocks ont diminué au cours des 50 dernières années. Parallèlement, la réglementation prévoit de conserver 60 % des prises pour effectuer une mission de repeuplement dans des lacs situés à proximité de l’Océan et ainsi donner une chance au poisson de pouvoir rejoindre la mer des Sargasses pour renouveler l’espèce.

La pibale naît donc dans cette mer de l’Océan Atlantique Nord, bordée à l’Ouest et au Nord-Ouest par le Gulf Stream, à l’Est par le courant des Canaries, au Nord par la dérive nord-atlantique et au Sud par le courant nord-équatorial. Elle met près d’un an à traverser l’Océan, progressant uniquement la nuit afin de se protéger des prédateurs. Lorsque la pibale atteint les côtes Atlantiques, elle mesure tout juste entre 5 et 6 mm. Elle rentre alors dans les fleuves pour devenir adulte, ce qui lui prend 6 à 7 ans. L’anguille jaune, plus jeune, est autorisée à la pêche tandis que l’argentée, en âge de se reproduire, ne l’est pas. Cette dernière fait ensuite le trajet inverse pour assurer le renouvellement de l’espèce. Pour faire simple, l’anguille pond en eau chaude et grandit en eau froide. Et si aujourd’hui, on sait élever des pibales et leur faire atteindre l’âge adulte, on est totalement incapable de les faire se reproduire en captivité.

Une pêche traditionnelle rude

L’ensemble des pêcheurs français dispose d’un quota maximum de 65 tonnes annuelles (26 pour la consommation et 39 pour le repeuplement). La pêche s’effectue uniquement la nuit, sur une amplitude de 5 h, l’activité prenant fin avec la pleine mer.

On pêche en bord d’Océan, notamment au courant d’Huchet, à Moliets, ou dans les fleuves, et donc sur l’Adour. Pour celui-ci, de Bayonne à Urt, il s’agit de la zone maritime avec une eau saumâtre, et la pêche se fait sur des chalutiers. En revanche, de Urt à Tercis-les-Bains (mais aussi dans le Gave jusqu’à Peyrehorade), il s’agit de la zone fluviale et on ne peut pêcher qu’à la main. Ici, les pêcheurs licenciés utilisent deux techniques différentes. Soit un tamis à main, soit un tamis ancré aussi appelé pibalou. Pour la première technique, on attache le bateau à la rive, par l’avant, et on utilise une lumière jaune douce (autrefois, une lampe à pétrole) qui attire le petit poisson. Il est alors capturé par un tamis, plongé préalablement à la main. La seconde pêche se pratique quant à elle avec le pibalou, un tamis ancré composé de deux cercles de 1 m 20 de diamètre. Le bateau est ancré au milieu de l’Adour. On plonge le pibalou dans l’eau et c’est la marée montante qui fait y entrer les civelles.

Une fois le tamis relevé, le contenu est passé dans une caisse à grilles d’abord pour séparer les pibales des branchages et des poissons indésirables, puis pour filtrer l’eau. Ensuite, les précieux poissons sont conservés dans des viviers de 100 litres avec des bulleurs. Les formulaires administratifs sont remplis au fur et à mesure, sur le bateau, afin de respecter les quotas.

La pibale n’est pas vendue à la criée. Il existe localement deux mareyeurs qui rachètent l’ensemble de la pêche. Un en Espagne, pour la consommation directe et la cuisson, et une ferme aquacole, en France, qui amène les civelles à l’âge adulte avant qu’elles ne soient revendues sur le marché nord-européen. Les deux mareyeurs ont l’obligation du repeuplement et doivent donc conserver 60 % des prises dans cet objectif.

Lorsqu’elle est revendue pour la consommation, la pibale avoisine les 400 €/kg, même si fin janvier, elle était plutôt vendue aux alentours de 250 €/kg. Pour le repeuplement, son prix est d’environ 250 €/kg.

Le nécessaire repeuplement

La pêche à la pibale, si elle est souvent décriée, est aujourd’hui indispensable pour assurer le repeuplement de l’espèce. Face à la diminution croissante des individus, il faut absolument inverser la tendance si l’on ne veut pas voir disparaître totalement les anguilles. C’est la raison pour laquelle a été mis en place le PGA (Plan de Gestion des Anguilles).

On dispose seulement de 15 jours pour libérer les 60 % destinés à cette opération, et cela se passe uniquement en France, grâce à des crédits spécialement alloués. Les pibales pêchées sont alors déversées, par points GPS, dans les lacs à proximité de l’Océan Atlantique. Pendant des années, elles étaient relâchées dans le lac d’Aureilhan. Actuellement, on les libère dans le lac de Parentis-en-Born, mais aussi dans celui de Sainte-Eulalie-en-Born depuis l’année dernière.

Si l’Adour est le premier fleuve pour la pêche de la pibale, celle-ci arrivant par le Sud, elle ne représente que 5 % de la pêche fluviale du secteur. Cette année, seulement 38 % du quota autorisé a été pêché à la fin du mois de janvier.

Merci à Olivier, pêcheur disposant d’une licence sur l’Adour, d’avoir pris le temps de nous recevoir pour nous expliquer la complexité de cette pêche.